La protection des plantes autrefois et aujourd'hui: Le point de vue de chef du département Technique

Syngenta
Portrait Norbert Locher

"Les exigences et les charges financières pour l'homologation des produits ont énormément augmenté."

Norbert Locher dirige le Groupe Technique et Homologation pour le marché Suisse. Nous avons parlé avec lui de la protection des cultures autrefois et aujourd’hui.

Norbert, quand on considère ton parcours, on peut dire que ce fut une vie dédiée à la protection des plantes.  Est-ce que ce fut toujours ton idée?
Pas directement. Mon rêve de jeunesse était plutôt d'acquérir une grande ferme au Brésil. Cependant j'étais déjà très intéressé par la production végétale et la protection phytosanitaire. Étudiant en agronomie à l'ETH de Zürich, j'ai effectué mon travail de diplôme sur la mouche blanche dans le cadre d'un projet de la FAO dans une région cotonnière du Soudan. J'ai trouvé ensuite un emploi chez Maag Agro AG à Dielsdorf. C’est une entrée dans la vie professionnelle très attrayante, au service d'une firme innovante et vouée à la recherche dans le domaine de la protection des plantes.  

Et que s'est-il passé avec le Brésil?
J'ai eu l'occasion de visiter de nombreux pays au cours de ma vie professionnelle. Ce n'est que récemment que j'ai visité le Brésil, et ceci à titre privé. Ce sont des raisons familiales qui m'ont incité à travailler en Suisse.

Comment as-tu vécu cette l'évolution des activités de développement dans le domaine de la protection des plantes?   
Au début, l'utilisation des produits phytosanitaires était moins controversée que maintenant. L'agriculteur affichait plus d'ouverture pour ces techniques et aussi plus d'indépendance et d'assurance.
Aujourd'hui, la pression politique des ONG, de l'opinion publique et des médias est énorme. Malheureusement, la discussion fait plus appel à l'émotion qu'à la raison et ne se base souvent plus sur des connaissances scientifiques.
De ce fait, l'agriculteur est de plus en plus insécurisé lorsqu'il utilise des produits phytosanitaires, car il est souvent mis au pilori, traité de pollueur de l'environnement.   

Qu'est-ce qui a changé dans l'homologation des phytosanitaires ces 30 dernières années?
Les exigences et les charges financières pour l'homologation des produits ont énormément augmenté. L'ampleur des dossiers d'homologation d'un nouveau produit est 8 à 10 fois plus grande qu'il y a 30 ans. Depuis lors, il y a eu de nouvelles exigences dans le domaine toxicologique, mais pas autant que dans le domaine de l'environnement. Les examens des matières actives et de leurs métabolites (produits de dégradation) concernant leur comportement dans l'environnement sont devenus beaucoup plus détaillés et complexes.

En conséquence, la durée nécessaire pour obtenir une homologation est devenue beaucoup plus longue. Autrefois, la question était souvent réglée en une année. Maintenant le processus pour une nouvelle matière active peut prendre 4 à 6 ans. Dès lors, il est aujourd'hui très difficile de développer et homologuer une nouvelle matière active qui réponde à toutes les exigences. Ces obstacles de plus en plus nombreux et élevés freinent la capacité d'innovation de l'industrie agrochimique.

En même temp, nous assistons à une grande perte de diversité des matières actives. Il y a 10 ans 800 à 900 matières actives étaient encore autorisées. Aujourd'hui, il n'en reste plus que 200. En conséquence, il devient de plus en plus difficile pour l'agriculteur de trouver le produit apte à combattre tel ou tel organisme nuisible et, dans certains cas, des organismes nuisibles peuvent à peine être combattus.

Comment perçois-tu l'avenir de la protection des plantes?
Globalement, la protection des plantes occupera une position centrale dans le futur. Il s'agira en effet de produire suffisamment de denrées alimentaires saines pour assurer l'alimentation de toute l'humanité.    

Dans les sociétés bien pourvues, comme dans les pays d'Europe occidentale, la protection phytosanitaire restera longtemps un thème très débattu et on s'attend à encore plus de restrictions dans l'utilisation des produits phytosanitaires.

On constate par ailleurs une attitude quelque peu schizophrène chez le consommateur; chez nous ils demandent des légumes et fruits d'apparence en tous points parfaite, d'excellent goût et de bonne conservation, en fait un produit industriel. S'il y a des taches, déformations et surtout traces de ravageurs, le produit reste sur l'étalage. En l'absence de produits phytosanitaires de synthèse, ceci n'est pas possible, quel que soit le mode de production.

Nous assisterons à un tournant lorsqu'il se produira une carence de denrées alimentaires et que la Suisse ne pourra plus entièrement se les procurer sur le marché international. Alors je suis persuadé que le débat public redeviendra plus rationnel et moins unilatéralement émotionnel.